Les langues fourchues diront sans doute qu'il s'agit encore du discours d'un jeune écolopportuniste mais je dois vous avouer que je fus terrifié la semaine dernière quand je les ai vues de près : les pommes d'Argentine Bio.

Le matin, chez un doyen du bio bien connu dans la région, au détour d'un rayonnage, j'ai croisé deux palettes de 2 m de haut. Interloqué, j'entame une discussion avec E en lui exprimant ma surprise de trouver chez lui des pommes d'Argentine issues de l'agriculture biologique. Ma surprise est double car les premiers vergers de pommiers sont à moins de 5 km d'ici, avec plus de 30 variétés et que faire venir des pommes d'Argentine (11.000 km) me parait une aberration et en totale contradiction avec l'idée que je me fais de la démarche bio. Est ce qu'un fondement de la consommation responsable n'est pas le respect de l'Homme dans son environnement ? Il explique alors, un peu irrité, qu'il n'a pas le choix, que de toute manière il est OBLIGE d'avoir des pommes tout le temps car sinon, c'est son concurrent qui les vendra.L. qui écoutait d'une oreille notre conversation depuis quelques minutes et qui fait la plupart des marchés bios de la région intervient. Elle explique à E. que pour sa part, elle explique à ses clients que quand il n'y a pas de pommes, c'est que ce n'est pas la saison mais qu'aussi c'est la saison de plein d'autres fruits, tous aussi délicieux les uns que les autres (ndla : au moment où j'écris ces lignes, je pense avec émotion à un crumble de fruits rouges (framboises, cerises, fraises) préparé et dégusté quelques jours auparavant). E. continue de dire que qu'il n'a pas le choix, qu'il y a de la demande (et là je pense sournoisement dans ma tête, que pour la cocaïne, il y a aussi de la demande ...).Bref. Le second argument d'E. est que certains arboriculteurs du coin n'ont pas voulu jouer le jeu avec lui en lui vendant les pommes au prix que les producteurs les vendent sur les marchés. Vu le nombre de producteurs dans le coin, ça me parait un peu gros ne pas avoir trouvé un partenaire sur le territoire. Je pense alors à R. et P., viticulteurs dans les Coteaux du Lyonnais, qui, il y a quelques années, ont du scier leurs poiriers et abandonner la production car la poire du Chili arrivait sur le marché lyonnais moins chère que la leur produite à 20 km de Lyon. Heureusement pour eux, ils ont pu se recentrer sur la production de leur (délicieux) vin bio.

Un peu plus tard, je vais dans un magasin bio du quartier de l'épicerie, quérir deux avocats pour une petite salade quinoa-avocat-carotte. La réputation de grincheux du responsable de l'établissement n'est plus à faire, avec le temps je m'en suis accommodé. A peine rentré dans la boutique, je suis saisi par une discussion vive et animée entre Grincheux et une jeune cliente. Mon oreille saisi quelques brides de phrases et je comprends que la dame est en train de reprocher à G. de vendre des pommes d'Argentine ... Deuxièmement fois dans la journée que ces pommes bio d'Argentine font parler d'elle. La consom'actrice s'en va en claquant à moitié la porte. Grincheux s'empresse alors de maugréer quelques gentillesses à l'égard des ces écolopportunistes et que de toute manière, il faut manger des pommes toute l'année et que ça pollue pas beaucoup par rapport aux milliers bagnoles qui passent tous les jours devant sa vitrine ... Je lui exprime brièvement mon point de vue qui rejoint celui de la consom'actrice claqueuse de porte, je n'ai pas envie de rentrer dans une polémique stérile, j'ai envie de manger une salade quinoa-avocat-carotte ...